SHTËPIA BOTUESE «8 NËNTORI», 1974
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Fotograf: PLEURAT SULO
Pour connaître correctement et à fond les circonstances du développement de l’art pictural médiéval albanais, il faut avoir en vue que, au cours du moyen âge jusqu’à l’invasion turgue, à quelques exceptions près, l’Albanie faisait partie de l’Empire byzantin. De même, il faut tenir compte de ce que l’Eglise en Albanie, dans sa majeure partie, a été du rite oriental. Par l’intermédiaire de l’Eglise, dans l’Albanie médiévale, en même temps que la langue des cérémonies liturgiques en grec, aussi la littérature religieuse laissa son empreinte, au même titre que l’architecture et la peinture. Parlant de Constantinople, capitale de l’Empire, ces influences, empruntant les voies bien connues de Salonique et d’Ohrid, pénétraient dans les contrées plus intérieures par l’intermédiaire de centres tels que Selasphore (Zvezde), siège épiscopal de la région de Korçe et de Kolonje, et Berat, siège épiscopal de l’Albanie centrale, qui accumulèrent aussi le patrimoine des valeurs culturelles des villes tombées en ruines, parmi lesquelles Durrës, Skampa et Glavenice.
Il faut reconnaître que le trésor artistique réalisé par le peuple albanais au cours du moyen âge, notamment dans l’iconographie et dans l’enluminure, est extrêmement réduit par suite des circonstances historiques très difficiles.
En Albanie, dans le domaine des arts figuratifs, les productions médiévales les plus anciennes, qui ont survécu jusqu’à ce siècle, sont celles des manuscrits religieux à enluminures, qui commencent des codes du IXe siècle et continuent jusqu’au XIVe siècle, à l’exception du code du VIe siècle qui est le plus vieux et qui est connu dans la littérature spécialisée sous le nom de Codex Beratinus purpureus Φ. Il ne conserve qu’une enluminure cordiforme. Le nombre des codes anciens ne dépasse pas les 63 volumes, non compris ici les manuscrits de l’époque de l’occupation ottomane, moins importants d’ailleurs.
Ces manuscrits, qui, par leur contenu, traduisent l’idéologie religieuse de la classe féodale dominante, constituent, par ailleurs, des documents de grande portée historique et sont un véritable trésor de valeurs artistiques.
A part la rare beauté de la chrysographie, ils sont aussi enluminés, de figures en miniature, de vignettes, de canons.
L’enluminure des IXe et Xe siècles en Albanie se caractérise par le style graphique décoratif, où les figures ont été construites de manière schématique, par des courbes, vrilles, crochets, et où les formes corporelles et la position sont données des lignes filiformes, en silhouette et dessin précis d’une grande finesse. Dans la miniature du Xe siècle, le mode de traiter les figures est plus pittoresque, plus plastique, il comporte du volume, des couleurs cultivées, utilisées avec des tons et des gradations. Ces enluminures ne se distinguent pas pour une expression artistique réussie.
En Albanie, l’enluminure de manuscrits médiévaux atteint son faîte vers la fin du XIe ou au début du XIIe siècle avec la miniature des deux codes très luxueux de Vlore, où l’on est frappé par une synthèse des éléments du style byzantin, qui venait à peine d’atteindre sa formation achevée, avec ceux de la tradition de l’art antique.
On remarque, dans ces enluminures des codes de Vlore, des types sanctionnés dans la peinture byzantine, entourés d’une charpente architectonique byzantine, cependant que, en tant que portraits et dans leur ensemble, les figures traduisent un traitement pittoresque et naturel, modelé selon une plastique achevée, réalisée par des lignes courbes, sans contours prononcés, avec des attitudes exactes, équilibrées, aux couleurs bien cultivées, légères, gracieuses, aux tons utilisés en gradations réussies, avec des mouvements mesurés et des regards calmes et réfléchis, autant d’éléments caractérisant la peinture antique des premiers siècles de notre ère, mais qu’on remarque également dans l’enluminure de Constantinople du Xe siècle.
La réalisation de l’enluminure de haut niveau en Albanie correspond aussi, comme temps, à l’essor des autres genres des beaux-arts, par exemple à la peinture monumentale du XIIe siècle de Rubik, à celle de Notre-Dame de Cerke (Leskovik), etc., ainsi qu’aux icônes plus anciennes qui ont pu se conserver jusqu’à ce jour, à savoir celles de Berat et de Korçe.
La reproduction en Albanie des codes médiévaux et leur agrémentation en miniature et par des oeuvres d’art, témoigne d’un haut niveau culturel du pays, notamment d’une position particulière de l’aristocratie féodale albanaise au cours des siècles du moyen âge. Cela est aussi confirmé par les inscriptions autographes des auteurs ou des peintres miniaturistes, qui indiquent les donateurs (chtiteurs) des oeuvres.
En ce qui concerne les icônes exécutées sur panneaux de bois qui ont pu rejoindre nos jours, les plus anciennes ne remontent qu’au XIIe siècle. En général, parmi la production des trois derniers siècles avant la domination turque en Albanie, se sont conservées tout au plus environ 30 icônes, dont la plupart appartiennent au XIVe siècle.
Les icônes d’Albanie du XIIe siècle se caractérisent par le style calligraphique byzantin et par une belle construction artistique, aussi bien dans l’ensemble de la composition que dans le modelage des détails, dans leur minutie. Les figures sont circonscrites par une silhouette en marron clair, qui évolue d’après une ligne gravée antérieurement sur l’enduit du panneau en bois. Les portraits sont modélés suivant des contours adoucis bruns sur l’ocre pâle de la carnation et la couleur de base marron foncé.
Ces figures de face ou faiblement tournées, aux attitudes verticales, aux mouvements mesurés, d’un riche monde spirituel, ont un air majestueux et très sérieux. En raison de leurs valeurs artistiques, deux icônes de Notre-Dame d’Hodégétria, celle de Mborje, très détériorée, et celle du petit temple de Bllashtojne, d’une grotte de Prespe, peuvent être classées à juste titre parmi les plus belles productions du style classique byzantin en général.
La peinture byzantine opérait suivant des thèmes et des canons sanctionnés par des règles sévères du dogme ecclésiastique, aussi bien en ce qui concerne les thèmes et les sujets que le mode d’imagination des scènes et des images. Toute expression de l’art cultivé au moyen âge se manifestait à travers la thématique religieuse. C’est dans ce contexte qu’on a aussi traduit les sentiments, les idées, les conflits sociaux, les contrastes de ces siècles. Différents peintre médiévaux, opprimés par les canons dogmatiques ecclésiastiques du style byzantin, ont voulu extérioriser leurs sentiments, leurs opinions au moyen de la forme parfaite, de la ligne, du coloris, parfois même au détriment des canons thématiques. Nous constatons ces phénomènes tout au long de l’histoire de la peinture byzantine en Albanie également.
La peinture du XIIIe siècle en Albanie, aussi bien celle de l’iconographie que de l’enluminure, ne se caractérise pas par cette finesse prononcée du point de vue artistiques qu’on remarquait au siècle précédent. On peut affirmer que notre peinture du XIIIe siècle est quasiment conforme à celle de la peinture de ce même siècle des autres pays balkaniques dans les deux genres faisant l’objet du présent exposé.
L’art de l’époque de la domination des empereurs de la dynastie macédonienne et des Comnène, mais en particulier de l’époque des Paléologue, à partir de la seconde moitié du XIIIe et au cours du XIVe siècles, qui connut son développement et son épanouissement à Constantinople et à Salonique, exerça aussi une profonde influence sur les monuments de culture albanaise de l’époque, sur la peinture monumentale, l’iconographie, l’enluminure et la littérature hagiographique. Toutefois, il ne s’agit pas ici d’une reproduction mécanique des éléments byzantins dans un milieu passif.
Les icônes du XIIIe siècle en Albanie se font remarquer par des traits inhérents purement byzantins aux figures émaciées, immatérialisées, aux attitude de face, traitées en lignes brisées, avec une profusion d’ornements sur les habits, avec des types sanctionnées par un sérieux marqué.
Les portraits de ces icônes ont été modelés force contours prononcés et couleurs foncées de la carnation en ocre clair et contrastes. Ces figures, bien que dépouillées d’animation physique, apparaissent réalisées avec art et ont des regards suggestifs.
Ce style iconographique en Albanie, tout comme dans les autres pays balkaniques. subit des modifications dès la fin du XIIIe siècle.
Les images sur les icônes du XIVe siècle en Albanie se présentent avec des traits artistiques plus avancés, proches du naturalisme, dans l’esprit de ce courant artistique progressiste qu’on appelait à Byzance «la renaissance de l’art byzantin».
Les byzantologues rattachent ce courant à la libération de Constantinople des Latins (1261), cependant qu’en Albanie, il doit aussi être rattaché au développement des forces économiques et sociales du pays, au renforcement de la classe féodale albanaise dominante, à l’agrandissement et au renforcement des villes et à la naissance des principautés féodales albanaises.
Le phénomène de la rupture avec la dépendance politique de Byzance se vérifie aussi dans le domaine de la peinture, qui, tout en gardant d’une part les traits communs d’origine, se met à souligner aussi ses propres traits particuliers. Le XIVe siècle en Albanie se caractérise par la construction d’un grand nombre de monuments de culte chrétien; toutefois, très peu des icônes qui ornaient ces monuments se sont conservées, elles sont moins d’une vingtaine et ils s’agit de grandes icônes de l’iconostase, sauf une petite.
On ne constate pas qu’en Albanie il y ait eu de petites icônes aux scènes des «festivités» selon la mythologie du christianisme ou aux images des apôtres en demi sur les iconostases de l’époque préturque. La seule iconostase sur panneau en bois du XIVe siècle, avec toutes ses icônes, est celle de Notre-Dame de Maligrad, pourtant à celle-ci manquent les petites icônes surmontant les grandes, probablement du fait que les scènes des «festivités» dans les églises préturques étaient peintes sur le crépi des parois, et on considérait superflu de répéter ces scènes sur de petites icônes. A la domination ottomane, lorsque l’économie était en détresse, il n’était pas possible de bâtir de grandes églises et de les parer de peintures murales. Probablement pour éviter l’absence des scènes des festivités dans les quelques églises pauvres et petites qu’on bâtissait, le clergé cherchait à peindre les scènes sur de petites icônes et on se mit à placer celles-ci sur les iconostases des chapelles qui ont été les premiers édifices du culte après cette domination.
Plus tard, lorsque le pays commença à se relever relativement du point de vue économique, bien qu’on se mît à bâtir de grandes églises et à les décorer de peintures murales, la présence des petites icônes aux festivités en miniature sur l’iconostase demeura comme une tradition de l’ornementation habituelle, qui dura jusqu’à notre siècle.
Les icônes du XIVe siècle conservées jusqu’à nos jours sont celles de Berat et de Korçe. A l’exception de l’icône du Baptistère de Maligrad et de celle de saint Michel de l’église d’Opar, représentées entièrement debout, toutes les autres ont été peintes en demi.
Les figures de ces icônes, dans leur structure, ont pour caractéristiques principales, en général, presque les traits connus dans l’iconographie byzantine. Les figures ont été produites à l’intérieur de l’encadrement, placées de manière symétrique et la plupart en position verticale de face.
Les figures des icônes du XIVe siècle d’Albanie se caractérisent par une physionomie artistique plus avancée, qu’on remarque dans leur structure obtenue à l’aide de lignes très élégantes, mettant brillamment en évidence leurs formes volumineuses.
Bien que, d’une part, ces figures aient été traitées d’une palette plus avancée, notamment dans le modelage de leurs portraits, en raison de la composition dans une attitude verticale rigoureuse, statique, et avec l’expression psychologique d’un monde spirituel particulier, se reflétant dans leurs regards puissants, elles assument néanmoins un aspect académique, solennel.
C’est du même style que sont toutes les icônes d’Albanie du XIVe siècle; toutefois, par suite des traits plus intéressants qu’on remarque dans la plastique avancée de la silhouette harmonieuse, dans le regard puissant des grands yeux aux sourcils hauts, qui captivent le spectateur, la figure de Saint Michel de Mborje, grandeur nature, s’impose par sa beauté artistique, ne manque pas de frapper l’observateur. En effet, cette oeuvre peut être considérée comme l’une des plus belles productions artistiques dans toute la création artistique de Byzance en général au cours du XIVe siècle.
Dans ces icônes du XIVe siècle d’Albanie, on remarque également des particularités locales, qui les varient notablement de la production iconographique des autres pays.
La particularité principale dans cet art iconographique consiste dans le traitement plastique plus avancé qui empreint les figures, et qui a contribué aussi à leur typisation, en les rendant différentes des types analogues des autres pays.
Cependant, cette particularité qu’on remarque sur les icônes de l’Albanie du XIVe siècle ne peut pas être considérée comme de nature à les écarter du style byzantin, car en fait elles conservent tous les traits caractéristiques de la peinture byzantine, mais on peut affirmer qu’il s’agit d’un trait de la phase plus progressiste de l’art de la renaissance byzantine, qui a réussi à se développer dans l’iconographie albanaise du XIVe siècle.
A part cette particularité générale de l’iconographie de ce siècle, l’attention est retenue en particulier par une icône du monastère de Notre-Dame de Postenan, l’icône de sainte Vénérande qui, en raison de la composition et de la manière de traiter le sujet, doit être attribuée au XIVe siècle. Cette icône comporte des traits tout particuliers, quelque chose de l’art naïf par rapport aux autres icônes du même siècle, mais d’une beauté attrayante, dans une attitude de face et rigoureusement verticale: cou long et gracieux, comme dans les images de l’art égyptien, grands yeux en amande, cils noirs, que nous rencontrons pour la première fois dans notre imagerie. Cette image, traitée de manière décorative, est d’une beauté aux traits originaux de nos pays de montagne. Son nimbe est d’un enduit en relief et ornée de motifs floraux, comme, du reste tout le fond de la figure, qui apparaît aujourd’hui quasiment blanc, l’or que la recouvrait ayant été effacé. Sur les côtés de l’icône, en forme carrée, on a peint en miniature des scènes de la vie de sainte Vénérande. Bien que l’image ait été quelque peu détériorée par les craquelures de la peinture des habits en couleurs, elle conserve encore sa majesté et sa beauté originale. Le peintre anonyme des pays albanais de montagne a voulu, peut-être, par cette oeuvre, s’écarter de l’art habituel et donner quelque chose de son cru, selon le goût et l’imagination des montagnards albanais.
Toutefois, le développement connu par la peinture monumentale et l’icône en Albanie au cours du XIVe siècle, n’a pas été le propre de l’enluminure. Ainsi, si l’on compare les codes enluminés de Berat du XIVe siècle, aux codes des XIe et XIIe siècles, on constate des procédés et un art inférieurs. Tout de même, l’enluminure du XVe siècle, comparée à celle du XIIIe, fait état d’un certain progrès du point de vue artistique, qu’on saisit à l’évidence dans îles compositions libres des figures, réalisées avec une plastique relative, avec des courbes, des positions naturelles et des couleurs cultivées, utilisées par gradations. Dans les images peintes à l’aquarelle et monochrome, le traitement est principalement réalisé au moyen de la ligne qui remplit le rôle principal dans la production des formes et des volumes (CODE de BERAT, 38).
Ce développement dans le domaine culturel en Albanie, comme du reste dans les domaines économique et social, fut brusquement interrompu par la domination ottomane au milieu du XVe siècle.
Malgré les circonstances très difficiles de la domination étrangère, le peuple albanais se reprit graduellement, et, vers le milieu du XVIe siècle, il commença de nouveau à développer ses traditions sur le plan culturel et artistique. A cette époque, en Albanie apparaissent de nouveau les peintres albanais avec leur activité artistique aussi bien dans la peinture murale que dans l’iconographie. Les inscriptions autographes conservées jusqu’à nos jours dans leurs productions fournissent des données intéressantes sur l’époque de leur exécution et sur les artistes qui les ont réalisées.
Pendant cette période historique, l’enluminure ne continua plus à se développer en Albanie, les évangiles imprimés ayant remplacé les anciens codes.
Le premier parmi les peintres albanais qui apparut pendant cette époque historique, ce fut Onuphre de Néokastra (Elbasan), avec une activité artistique authentique aussi bien dans la peinture murale que dans l’icône. Après Onuphre apparaissent d’autres peintres, tels Nicolas, fils d’Onuphre, Jean, collaborateur de Nicolas en peinture, et d’autres peintres anonymes, qui ont tapissé les parois des édifices du culte dans plusieurs régions de l’Albanie.
Avec la production d’Onuphre et de son fils Nicolas commencent à apparaître des ensembles de petites icônes des iconostases qui continuent à se multiplier graduellement au cours des siècles par les peintres albanais postérieurs.
Abstraction faite des peintures murales d’Onuphre, parmi les créations de ce peintre éminent d’icônes, nous connaissons, conservées jusqu’à nos jours en Albanie, les icônes de l’iconostase de l’église de l’Evangélisme et celles de l’iconostase de l’église Saint-Démètre; parmi celles de son fils Nicolas nous ne connaissons que les petites icônes de l’église de Vlaherne. Ces églises se trouvent, toutes trois, dans la citadelle de Berat.
La peinture d’Onuphre voit le jour et se développe dans le sillage de la tradition du grand art byzantin, mais le puissant talent de ce maître, sous l’influence des idées nouvelles engendrées par les circonstances politiques du pays et les brillantes réalisations de l’art occidental de l’époque, modifie les normes dictées d’avance de la vieille peinture byzantine et introduit des éléments de la vie active. Onuphre réussit ainsi à créer son art propre, aux traits individuels, un art pénétré d’un esprit de tendance réaliste, avec dei réalisations qui, sur le plan artistique, atteignent des sommets élevés d’un intérêt particulier.
Alors que dans la composition des scènes iconographiques, Onuphre s’en tient à la tradition byzantine, il réalise les modelages des portraits et les ensembles scéniques particuliers de manière différente, avec des éléments de genre, ce qu’on peut constater sur plusieurs de ses icônes, à savoir dans «L’ablution de l’Enfant Jésus», et la «Nativité», où l’on remarque des mouvements naturels.
Les figures dans les scènes des icônes d’Onuphre apparaissent comme composition, dans des positions naturelles, avec des mouvements et une mimique vivaces avec des expressions psychologiques profondes, en train de participer aux événements peints dans la scène (le groupe des apôtres dans «La résurrection de Lazare», les vierges dans l’icône «La présentation de la Vierge au Temple», etc.)
Dans toute son oeuvre, mais en particulier dans les icônes, où les couleurs conservent leur fraîcheur même aujourd’hui, Onuphre s’affirme comme un maître incontestable du coloris, le réalisant avec un savoir-faire apparent par des tonalités chaudes et transparentes, en gradations, dans bien des cas même avec des tons puissants, sonores et harmonieusement combinés.
L’utilisation du constraste clair-obscur dans les scènes des icônes d’Onuphre est un élément nouveau qui témoigne de la tendance réaliste de l’oeuvre de cet artiste. Cela se fait remarquer, par exemple, dans «La transfiguration» où apparaît plus clairement la maîtrise originale d’Onuphre dans la réalisation de ce contraste aussi bien sur les parois rupestres que sur les images.
A part les types sanctionnés dans la peinture de l’Eglise orientale, c’est avec une individualité diverse que se manifestent aussi, parmi les types d’Onuphre, des physionomies ressemblant à celles de la population de l’Albanie centrale. Cela se rencontre dans nombre de ses images et témoigne nettement d’une influence subie par l’artiste dans l’ambiance où il a travaillé et créé.
La manière dont Onuphre a traité sur les icônes les images avec des mimiques et des mouvements vivants, avec des expressions spirituelles puissantes et avec des tons forts et puissants des couleurs, probablement reflétait jusqu’à un certain point l’état d’esprit de l’artiste formé sous l’influence du grand souci du peuple albanais tout entier qui, à partir de la moitié du XVe siècle, se trouva dans un état de lourde servitude.
Le style artistique d’Onuphre, avec sa haute présicion, a exercé une profonde influence et il a été suivi par tous les peintres apparus plus tard, par son fils Nicolas et d’autres. Il se créa ainsi en Albanie un courant artistique aux réalisation éclatantes, mais dans les circonstances très difficiles qui suivirent, ce courant ne put ni continuer ni se développer.
Au cours du XVIIe siècle, les iconographes albanais, avec leur créations artistiques, ont décoré d’icônes un grand nombre de monuments en Albanie centrale et méridionale; à Berat, Voskopoje, Vithkuq, Lubonje, Postenan, Radove, dans la région de Lunxherie et ailleurs.
Dans les icônes du XVIIIe siècle, qui sont nombreuses, on aperçoit le sillage de la tradition artistique byzantine, qui à la longue se banalisait, bien qu’on y remarque des éléments de l’époque, qui traduisent le niveau artistique.
A cette époque-là, on a, en Albanie, des icônes d’ateliers artisanaux, qui déploient des efforts pour imiter à leur façon des icônes du style byzantin. Ces icônes sont caractérisées par un style naïf, mais d’intérêt historique et attrayant par leur naïvité même.
Le XVIIIe siècle est caractérisé en Albanie par un reprise assez intense sur le plan économique et social, par l’essor du commerce des villes, par la construction de nombreux établissements du culte et par leur agrémentation de productions d’art de tout genre. Historiquement on sait que, à cette époque, on assiste à une consolidation des positions des féodaux albanais et à un certain apaisement du pays.
On compte par milliers les icônes et les scènes de peinture murale, qui décorent en Albanie les monuments de ce siècle, ainsi que du XIXe siècle. Les inscriptions autographes qui se sont conservées sur ces icônes, confirment que ce sont des productions d’auteurs albanais, dont les familles de nombre d’entre eux continuent de vivre aujourd’hui. Parmi ces peintres citons les plus éminents: David Selenica, de Selenice de Kolonje, Constandin Shpataraku, de Shpat d’Elbasan, Constandin et Athanase Zografi avec leurs fils, originaires de Potkozhan de Mokër, Georges et Jean Çetiri, avec leurs fils et leur petits-fils originaires de Lavdar d’Opar, Nicolas Guga, originaire d’un village de Muzeqe.
Les icônes des peintres albanais du XVIIIe siècle en Albanie, que nous avons appelés de l’école locale de Korçe, comme cela est constaté en général pour toute la peinture de ce siècle, outre la tradition locale, reflètent des influences nombreuses de la peinture du Mont Athos et de l’art occidental de l’époque. Chez les peintres Constantin et Athanase Zografi on remarque aussi des influences du style baroque. Il y a également quelques icônes d’école crétoise.
Comparées aux icônes des siècles antérieurs, celles du XVIIIe siècle ont une technique plus compliquée. On n’y remarque plus la ligne graphique et la symétrie byzantine. L’élaboration de leurs images est réalisée par des dessins plus réalistes, les portraits sont modelés avec plus de plastique. L’ambiance architectonique sur la scène apparaît modelé, on n’y rencontre pas la perspective opposée, et les éléments ethnographiques s’y multiplient.
De ce nombre on peut considérer d’un intérêt particulier l’icône de Constantin Shpataraku «Saint Jean-Vladimir», qui conserve, néanmoins, une intégrité plus classique. On y voit s’entremêler des éléments du jour, des hommes vêtus à la mode occidentale du XVIIIe siècle et d’autres, mélangés avec des éléments anciens de la tradition byzantine et de la légende de ce saint. Mais l’icône présente un intérêt historique car, entre autres, s’y trouve reproduite pour la première fois le prince albanais du XIVe siècle, Charles Topia.